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Le Desman des Pyrénées

Le Desman des Pyrénées (Galemys Pyrenaicus) par Stéphane Pitou, accompagnateur en montagne.

 

Ce petit mammifère endémique des Pyrénées est de l’ordre des « Soricomorphes » et de la famille des « Talpidés ». Il est inféodé au milieu aquatique et à un très petit territoire, à l’échelle du continent européen, ce qui renforce son endémicité. Il n’a été découvert qu’au début du XIXème siècle (1811 exactement) par un scientifique et naturaliste français, dénommé Étienne Geoffroy de Saint Hilaire. Il est aussi appelé le « Rat Trompette ». 

 

Abordons maintenant son « pédigrée », mais de façon très succincte. 

  • Sa taille : elle varie entre 23 et 27 cm pour un spécimen adulte (avec la queue, qui a elle seule mesure entre 11 et 16 cm). 
  • Son poids : compris entre 50 et 70g. 
  • Espérance de vie : de 2 à 4 ans maximum. 

 

Intéressons-nous un peu à lui, dans son intimité dorénavant ! 

Le pic de son activité est au plus haut durant la nuit, même si il peut être actif aussi en période diurne. Un indice marqué des 1ers éléments de réponse de sa futilité de et de sa rareté ! 

Il n’est présent que dans le nord du Portugal, le nord et le nord-ouest de l’Espagne, sur les deux versants des Pyrénées et en Pays Andorran. Si nous remontons à la moitié du XIXème, ce petit territoire (à l’échelle européenne) que nous évoquons ci-dessous était beaucoup plus homogène et moins parcellisé que ce qu’il est aujourd’hui. Les cartes consultables sur le site du Conservatoire d’Espaces Naturels (CEN) « Midi Pyrénées » démontrent bien la rapide fragmentation de ce dernier durant ces dernières décennies. C’est surtout vers la fin du XIXème siècle, avec le développement de l’hydroélectricité, notamment en zone montagneuse que le morcellement de son territoire de prédilection va s’accentuer, et de ce fait, avoir un impact considérable sur le déclin de ses populations.

 

Aire de répartition mondiale du Desman

 

Sa présence avérée, pour le versant Nord des Pyrénées, se définit en trois noyaux de population que nous pouvons classer par ordre de grandeur également. Les indices de présence de l’espèce, même si ces derniers sont très faibles et non chiffrées, sont recensés sur les Pyrénées Orientales, les Pyrénées Centrales (surtout en Ariège) et pour le 3ème, dans les Pyrénées Atlantiques.

La 2ème carte ci-dessous nous montre bien où il est présent sur le versant Nord et les deux couleurs (noires et grises) témoignent des localités où les indices de présence sont les plus marquées. En noir, les localités où il était présent et l’est toujours actuellement, et en gris celles où sa présence avait été relevée par le passé mais les dernières inspections ou remontées d’information ne mentionnent malheureusement plus sa présence.

 

Carte illustrative de la présence du Desman sur le versant Français

 

La plus haute, a été relevée à 2700m (au pied du Pic de Serrère en Ariège) dans les Pyrénées Centrales. 

Quant aux données minimales en limite « EST », de 360m dans les Pyrénées Orientales et de 80m en limite « OUEST » dans les Pyrénées Atlantiques.

J’ai voulu souligner ces données afin de vous permettre, lors de vos prochaines balades montagnardes, de pouvoir éventuellement associer la potentialité de sa présence à la découverte d’indices, si vous avez la CHANCE de pouvoir l’observer. 

Sachez « surtout » que vous pourrez alors vous considérer comme des privilégiés car ces moments sont rares le concernant. Actif toute l’année, c’est quand même, comme je l’ai évoqué ci-dessus, que c’est durant la nuit que les pics des relevés de radiopistage du CEN Midi Pyrénées, sur des individus capturés à cet effet et équipés d’émetteurs ont été les plus marqués! Sa petitesse et sa furtivité viennent compléter les raisons des faibles observations constatées.

 

Maquette du Desman équipée de l’émetteur de radiopistage

 

Concernant ses capacités aquatiques et les raisons de son adaptation morphologique à ce milieu spécifique, les données suivantes vont vous apporter quelques éléments de réponse là aussi !

Le Desman est semi-aquatique, pour faire simple, il est inféodé à ce milieu de par la nécessité pour lui d’y trouver sa nourriture. C’est un insectivore strict, il se nourrit donc d’invertébrés aquatiques qu’on peut retrouver dans ses 3 groupes: les TRICHOPTÈRES, les ÉPHÉMEROPTÈRES et les PLÉCOPTÈRES. Cette grande famille d’invertébrés aquatiques est parfois très sujette à la qualité de l’eau, d’où l’impact direct lorsque les cours d’eau subissent la moindre pollution ou des dérangements influençant la santé et les chiffres de leurs populations (lâchers des barrages, variation du niveau du cours d’eau, fréquentation du cours d’eau…).

 

Il est muni d’autres attributs qu’il a su développer pour parfaire son évolution dans ce milieu spécifique »:

  • Des pattes postérieures PUISSANTES, PALMÉES et munies de GRIFFES, lui permettant de se déplacer aisément, à contre-courant pour trouver sa nourriture, s’accrocher aux cailloux ou encore dépiauter parfois ses proies (contrairement à sa cousine la taupe qui a priorisé ses meilleures aptitudes sur les pattes antérieures afin de fouiller ses galeries).
  • Une DOUBLE COUCHE de POILS IMPERMÉABLES, lui permettant d’effectuer ses plongées (pouvant s’échelonner d’une trentaine de secondes à 1mn) dans ces eaux torrentielles et froides des rivières et lacs de montagne et par toute saison!
  • Une TROMPE mobile et préhensible dotée d’organes sensoriels qui constituent les excellentes qualités de son sens le plus développé, le « toucher ». Cet attribut lui permet également de prolonger ses apnées lorsqu’il l’utilise comme tuba!

 

À contrario, il a une vue peu développée et ses tout petits yeux sont en concordance avec cet attrait morphologique. Quant à son odorat, les scientifiques du CEN n’ont pu encore obtenir de données concrètes à ce sujet!

 

 

Pour conclure ce petit article, IL EST IMPORTANT D’ABORDER les MENACES et les ENJEUX en lien étroit avec l’espèce. Je vous énumère quelques-uns ici, qu’il était IMPORTANT de vous en faire part pour que vous puissiez, encore une fois, lors de vos prochaines balades, en montagne ou sur le Piémont pyrénéen, participer à la sauvegarde de cette ESPÈCE EMBLÉMATIQUE, par des petits gestes et un brin de communication, de partage auprès de vos enfants, de vos familles, de vos amis…

 

  • LA PÊCHE: le piétinement des berges notamment en période de forte affluence le long des cours d’eau et lors de l’ouverture de celle-ci, entraînent une perturbation de son habitat. La possibilité qu’il soit happé par hameçon  est un fait déjà constaté car les appâts de la pêche à la mouche constituent sa nourriture de prédilection. Les déchets tels que les fils de pêche par exemple, peuvent malheureusement entrainer son trépas lorsque le desman est pris dedans et qu’il ne peut s’en défaire.
  • LES ACTIVITÉS EN LIEN AVEC L’HYDROÉLECTRICITÉ: les lâchers d’eau, les vidanges des barrages, la construction de ces édifices… ont des impacts très notables sur l’espèce. On peut citer  par exemple, les déplacements importants du fond du lit de la rivière et de ce fait de leur nourriture, les lâchers des eaux stagnantes des retenues, la variation du niveau de l’eau ne sont pas sans conséquences sur la santé de l’espèce, la présence de nourriture sur son lieu de vie, la connexion des différentes populations…
  • LES POLLUTIONS CHIMIQUES: les rejets agricoles par le ruissellement des eaux, la contamination des eaux par l’homme ou le bétail lorsque nous passons dans les cours d’eau… peuvent également représenter une menace pour le Desman des Pyrénées.
  • L’EXPLOITATION FORESTIÈRE: Le transport par des engins lourds, leurs passages ou leurs travaux dans les cours d’eau ne sont pas sans effets sur son habitat (détérioration du milieu de vie, colmatage de celui-ci par les boues…).
  • LA PRÉDATION: Le « Vison d’Amérique » qui a  été introduit dans ce coin d’Europe, remonte les cours d’eau en altitude et constitue un prédateur pour l’espèce. Les chats domestiques lorsqu’ils sont présents aux abords des cours d’eau où le Desman est recensé,  représentent une menace avérée. Ces derniers, nourris par l’homme peuvent patienter de longs moments sur des sites où ils ont constaté sa présence. La Loutre et le Vison d’Europe constituent également des prédateurs, le 1er a un régime alimentaire plutôt piscicole mais reste opportuniste et quant au 2ème, ses faibles chiffres restent un indicateur rassurant sur la menace potentielle dont il peut en faire l’objet.
  • Les ACTIVITÉS NAUTIQUES: Le rafting, le kayak, la randonnée aquatique, le canyon…ont malheureusement des effets sur leur habitat (détérioration du milieu, présence de sa nourriture sur les endroits très piétinés ou raclés…).

 

Nous pourrions encore énumérer d’autres facteurs ayant un impact sur l’espèce, tels que l’exploitation des carrières, l’irrigation,… Le message que j’ai souhaité faire passer ici, au travers de ces quelques écrits, était de faire connaître ce petit animal ENDÉMIQUE des Pyrénées et de sensibiliser chacun d’entre NOUS sur notre impact par toutes nos activités quelles qu’elles soient sur son milieu et la pérennité de l’espèce.

N’hésitez surtout pas pour aller apporter des corrections, des informations afin que nous en sachons TOUJOURS UN PEU PLUS sur notre petit camarade!!

 

Stéphane Pitou

 

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